Toute protéine a par essence un potentiel allergène

Toute protéine a par essence un potentiel allergène

La déclaration obligatoire : un stigmate pour les protéines du futur ?

 

par Philippe Marquis, Directeur Lup’Ingrédients, Groupe Terrena

 

Les protéines de notre alimentation sont essentiellement d’origine animale (70 % proviennent du lait, des œufs, du poisson et de la viande). Elles sont complémentées par des protéines d’origine végétale issues des céréales et légumineuses (blé, soja, pois, lupin…), à hauteur de 30 %.

 

Ces protéines, largement consommées et tolérées par la plupart d’entre nous, sont cependant susceptibles d’engendrer des allergies alimentaires.

 

Pour informer les consommateurs sensibles, une liste de substances ou produits provoquant des allergies ou intolérances alerte du risque particulier de 14 produits, avec obligation d’étiquetage.

 

La graine de lupin, transformée en ingrédients et commercialisée dans de nombreux secteurs de l’agroalimentaire, a été intégrée à cette liste en 2006. Le classement du lupin n’est pas à remettre en cause, ses protéines ayant bien un pouvoir allergène avec de potentielles réactions croisées avec l’arachide en particulier.  Son incorporation est donc soumise à étiquetage obligatoire pour une bonne visibilité par les consommateurs allergiques.

 

Cette inscription a été un frein important au développement de l’utilisation du lupin par les industriels, particulièrement en France. En effet, il en a résulté entre autres une éviction de principe pour tous les produits de grande consommation type brioche destinés aux enfants. Et ce, malgré des atouts nutri-fonctionnels très intéressants, qui font du lupin une alternative de choix sur des marchés spécifiques : produits sans gluten, biologiques, cosmétiques.

 

En outre, la culture du lupin est respectueuse de l’environnement : sans apport d’azote, avec des intrants limités et la préconisation de méthodes de production alternatives (binage, ventilation naturelle entre les rangs…). Qualifiée agronomiquement de « tête de rotation », elle structure le sol en profondeur et favorise l’augmentation des rendements de la culture suivante.

 

Toutes les études prospectives sur la consommation de protéines à horizon 2030 annoncent la nécessité d’une transition alimentaire avec une évolution positive des protéines végétales. Cette tendance aura pour incidence l’incorporation programmée de matières protéiques végétales dans de nombreux produits, dont le potentiel allergène devra être mesuré et géré. Cela laisse entrevoir un allongement de la « liste des 14 »…

 

Cette évolution est déjà en marche avec une utilisation importante du soja et de ses dérivés, malgré la classification de cette graine en «  allergène majeur ». Le lupin est moins connu, mais représente également une alternative sérieuse, avec l’avantage d’une filière 100 % tracée de la semence jusqu’à l’ingrédient.

 

Toute protéine a par essence un potentiel allergène. Il faut continuer à développer les processus d’évaluation et de gestion de ce risque, afin de ne pas stigmatiser une matière sur ce seul critère. Il serait dommage de devoir se passer d’alternatives végétales indispensables à la transition protéique, dans le seul but de faciliter la transformation et l’étiquetage des produits finis. Appuyons-nous sur le modèle du soja pour la gestion industrielle et la prévention des contaminations croisées, afin de permettre une diversification de l’offre en protéines.