Management de l’innovation : l’art de gérer son portefeuille de projets d’innovation

Management de l’innovation : l’art de gérer son portefeuille de projets d’innovation

Le plus souvent, une entreprise innovante génère beaucoup d’idées, beaucoup de projets avec beaucoup d’acteurs mobilisés, ce qui entraîne une gestion de plus en plus complexe, qui peut parfois virer au syndrome des Shadoks. Gérer un projet en silo sans avoir de vue d’ensemble devient ainsi difficile et peu pertinent. Regrouper les projets et les gérer au sein de portefeuille(s) de projets est aujourd’hui plus qu’une nécessité.

 

Un portefeuille de projets d’innovation ? Késako ?

 

Un portefeuille peut donc se définir comme un regroupement de projets construit de telle façon qu’il facilite l’établissement de priorités et ainsi l’affectation de ressources entre les différents projets.

 

Cette gestion de portefeuille(s) de projets, très souvent initiée par des responsables R&D / innovation, permet donc d’avoir une meilleure visibilité des projets, un meilleur échange entre les acteurs des autres services mobilisés sur l’innovation, et de s’assurer de la cohérence entre les projets et les axes stratégiques de l’entreprise.

 

Pourquoi mettre en place un portefeuille de projets d’innovation ?

 

La gestion de portefeuille(s) de projets répond à différents besoins.

 

Alimenter les portefeuilles avec de meilleurs projets

Alimenter un portefeuille sous-entend d’une part canaliser les bonnes idées et d’autre part trier et sélectionner les projets pour l’entrée en portefeuille. Cette gestion de portefeuille doit servir à sélectionner au plus tôt les « meilleurs » projets dans un contexte de budgets de R&D et d’innovation définis et contraints.

 

Canaliser les bonnes idées devrait, en principe, conduire l’entreprise à s’interroger sur ce qu’est une bonne idée et à mettre en place un dispositif de collecte adapté. Si les processus de collecte des idées sont présents dans les entreprises, la réflexion sur ce qu’est une bonne idée est moins répandue.

 

Trier et hiérarchiser les idées pour ne transformer que les meilleures en projets officiels vise à éviter les dispersions et la concentration de ressources sur un projet inintéressant.

 

Caractériser et classer les projets pour les relier à la stratégie

Les décideurs et les gestionnaires de portefeuilles attendent de pouvoir trier et classer par rubriques. Cela se traduit par une multiplication des typologies à l’intérieur de chaque portefeuille. Les projets sont caractérisés par de multiples attributs à leur entrée dans le portefeuille et pendant leur déroulement. Par exemple, les contraintes de coûts et de ressources humaines conduisent les entreprises à comparer régulièrement la pertinence stratégique des projets en cours avec celle de nouvelles idées et à vérifier à tout moment l’adéquation stratégique de chaque projet.

 

Certaines entreprises regardent l’équilibre soit des portefeuilles les uns par rapport aux autres, soit des types de projets à l’intérieur d’un portefeuille, dans le but de mesurer comment se traduisent les axes stratégiques en matière d’innovation. Les portefeuilles sont très souvent modélisés sous la forme de matrices et d’entonnoirs qui visualisent le flux de projets en fonction du temps, sur lesquels les projets sont symbolisés par des bulles de tailles et de couleurs différentes.

 

Optimiser le déroulement des projets

La gestion des interactions entre les projets d’un portefeuille se résume souvent à une mise en concurrence des projets et à de l’optimisation, sous contraintes, du déroulement de chaque projet pris séparément. Il s’agit d’aller le plus vite possible ou/et de minimiser les coûts et de respecter un budget objectif pour l’ensemble des projets, d’arbitrer entre les projets en tenant compte du nombre et de la qualité des ressources. Pour cela, les entreprises utilisent des diagrammes de Gantt, des listes, des tableaux qui comprennent en moyenne une dizaine de caractéristiques différentes par projet et autant de lignes que de projets.

 

Évaluer la performance de la recherche-développement-innovation (RDI)

Dans beaucoup d’entreprises, la notion de portefeuille se limite à des matrices, grilles, indicateurs pour essayer de mesurer la performance de la RDI et de réfléchir à la pertinence de la stratégie de RDI. L’objectif de ces outils de type « reporting » est de contrôler a posteriori l’efficacité des processus d’innovation. Ces outils contiennent par exemple le budget de la R&D prévu et réalisé, une évaluation de « l’efficacité de la recherche », avec le nombre de brevets et de marques générés par un portefeuille, le volume de ventes en pourcentage du CA de l’entreprise des produits lancés depuis moins de 3 ans issus d’un même portefeuille, etc.

 

Planifier les ressources humaines au sein du service de R&D

Des gestionnaires de portefeuilles qui sont également chefs de service, utilisent la gestion de portefeuilles de projets pour planifier les ressources humaines de leur service. Ils analysent le nombre de projets par chercheur ou ingénieur, mettent en évidence les surcharges de travail, confrontent les idées de projets aux compétences et ressources disponibles.

 

Comment mettre en place un portefeuille de projets ?

 

La création des portefeuilles se fait en fonction de préoccupations de management stratégique. Ces préoccupations se traduisent sous la forme de critères de structuration des portefeuilles qui deviennent ensuite des critères de gestion de ces portefeuilles. La traduction des préoccupations en critères peut être explicite, voire très formalisée, ou implicite.

 

Parmi les critères très régulièrement utilisés dans la construction des portefeuilles, il y a l’équilibre court terme/long terme, l’adaptation au marché et/ou au type de clientèle, l’état du produit en cours de conception/de réalisation,… Ces critères peuvent être utilisés seuls ou combinés.

 

Certaines entreprises décident de créer 2 portefeuilles distincts :

 

– un portefeuille de projets destinés à nourrir l’activité actuelle de l’entreprise. Il s’agit la plupart du temps de projets d’innovation incrémentale. Les efforts sont déployés pour apporter des changements progressifs à des produits existants et pour réaliser progressivement des percées dans de nouveaux marchés (nouvel emballage, nouvelle formulation, usages plus pratiques,…). Ces innovations exploitent des ressources que l’entreprise possède déjà.

 

– un portefeuille de projets de transformation qui visent à créer de nouvelles offres, voire de toutes nouvelles entreprises, afin de développer de nouveaux marchés et de répondre aux nouveaux (ou futurs) besoins des clients. Ces innovations de rupture obligent très souvent l’entreprise à faire appel à de nouvelles ressources, nouvelles compétences, nouvelles technologies,… Ces innovations sont beaucoup plus risquées puisqu’il s’agit de développer des marchés qui ne sont pas encore arrivés à maturité.

 

Ces entreprises dédient des enveloppes budgétaires et des circuits de décision spécifiques à chaque portefeuille, évitant ainsi, en principe, de mettre en concurrence les deux typologies de projets. La mise en concurrence est ramenée ainsi à un niveau de décision stratégique grâce à la répartition des enveloppes budgétaires entre ces portefeuilles.

 

A vous de jouer !

 

Comme c’est le cas dans le placement financier, les entreprises doivent chercher à se composer un portefeuille de projets d’innovation avec le meilleur rendement global, tout en respectant leur tolérance au risque. L’enjeu pour elles est de trouver et de maintenir le bon équilibre entre le court terme, la croissance prévisible et les paris à long terme. Pour cela, la gestion de portefeuille(s) de projets s’avère être une pratique efficace lorsqu’elle est en cohérence avec le contexte organisationnel et stratégique de l’entreprise et qu’elle met en œuvre des outils pertinents et des processus de décision clairs.

 

Venez piocher les bonnes pratiques lors du colloque Valorial le 30/11 au Ponant !

 

Innovation agroalimentation : Colloque Valorial